Le journaliste me dit : suivez-moi! Ça fait des années que j’ai pas fait de télé. Un bref passage en politique me ramène au petit écran. J’arrive dans une pièce avec un fond vert. Un jeune chef d’antenne m’interview dans ce qu’on pourrait appeler un garde-robe si je pense à Jean-Lapierre qui sondait mes lumières dans un immense studio / salle des nouvelles de TQS en 2002.

Le résultat est fascinant, à l’écran. TQS peut presqu’aller se rhabiller. L’image de synthèse et le découpage sont impeccables. À Noovo, comme dans la plupart des médias privés, on fait beaucoup, beaucoup plus avec beaucoup, beaucoup moins.

TVA vient d’annoncer 87 nouveaux postes coupés. La télé va mal. On blâme Facebook, Google, les sites comme Netflix et Amazon. Y’a pourtant un éléphant dans la pièce, un éléphant tellement gros qu’il n’en sortira jamais, d’ailleurs : Radio-Canada.

Quand j’étais analyste marketing dans à peu près tous les médias, dans les années 2000, la société d’État, c’était le Club Med. Juste dans la régie, à la radio, ils étaient une gang. Rien n’était laissé au hasard. C’était ça, avoir les moyens. Aujourd’hui, on le sent beaucoup plus car on joue aussi dans les plates-bandes des autres médias avec les même inégalités. On a qu’à regarder l’offre de divertissement de Radio-Canada et les moyens dont elle dispose pour constater l’immensité du fossé que certains diront déloyal qui sépare le public du privé.

De plus, impossible d’avoir une idée de combien tout cela nous coûte. On reçoit une enveloppe globale et le reste ne nous regarde pas. Pourtant, Véro, Guy A. et Jean-René, ça doit pas faire 17$ de l’heure mais on ne le saura pas. On paye collectivement pour les droits de télévision des Olympiques où on ne lésinera pas sur la qualité et le staff qui va couvrir tout ça. Finalement, Radio-Canada devient toutes les télés et toutes les radios… elle fait aussi dans la presse écrite sur le web. Elle a même les moyens de se bâtir une nouvelle maison, l’ancien gratte-ciel ne « correspondant plus à ses besoins »… LOL !

C’est beau, Radio-Canada. Mais a-t-on les moyens de financer une concurrence questionnable qui fait que les privés sont à l’agonie, ceux qui pourraient facilement diffuser La Fureur, Infoman et Tout le monde en parle? En ce moment, tout le monde perd sauf, évidemment, les radio-canadiens.

Quelle est la mission de Radio-Canada? Ne va-t-elle pas trop loin avec une offre de divertissement qui dévore littéralement le peu qui reste de revenus publicitaires?

Je crois que la situation ne peut plus durer. Quand le privé se fait ainsi cannibaliser par le public, on doit intervenir. Pour la survie du privé et pour celle de notre portefeuille collectif. Interdire la vente de publicité à la télé? Financer davantage la production privée? Laisser les têtes d’affiche hors de la société d’État? Il est légitime de se questionner en ces temps difficiles, où l’on ne peut prioriser un groupe (exempt de transparence administrative en plus) au détriment d’un autre.

Il serait dommage qu’un jour, quand on nous demandera combien il y a de médias au Québec, on nous réponde ICI? Radio-Canada.

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