9 décembre 1980. Il a l’air tard mais c’est une journée de décembre avec une fin d’après-midi qui nous donne l’impression qu’il est minuit. J’ai 11 ans. Jouant dans ma tête car il n’y a rien d’autre à faire dans cette cour d’école, j’attends ma mère. Elle arrive avec ma soeur à bord qui m’annonce que John Lennon est mort sous les balles d’un Chapman hier soir. Je connais la mort depuis l’an passé avec le départ de grand-papa Moisan. Je connais moins Lennon. Je sais c’est qui parce que quiconque, même à 11 ans, ne connait pas les Beatles est soit sur la lune ou dans le coma.
Je fais des liens. Mon père m’avait dit pour JFK et Martin Luther King, des gens assassinés pour ce qu’ils étaient et ce qu’ils représentaient. Je ne comprends pas. Comment tuer une personne qui souhaite la paix? Je fais d’autres liens, Les gorilles dans la Planète des singes…
Je fixe la télé et je regarde le journal à la maison. Je ne réalise pas que ma vie va radicalement changer. À travers ce traumatisme médiatique qui joue en boucle, je vais voir les pochettes de disques des Beatles et je mets les 33 tours dans la grosse télé/stéréo en bois dans le sous-sol. J’apprécie et je fais la différence entre John et Paul. J’achète une grande affiche de Lennon en show au Madison Square Garden que j’accroche au-dessus de mon lit et voilà, je suis prêt à devenir un rebelle. Oui. Un rebelle. Michel Fugain m’avait convaincu de devenir un chanteur mais j’avais besoin d’une raison de plus, d’une cause.
J’entre au monastère de la musique sous l’influence de ce martyr, ce messie dont je veux poursuivre l’oeuvre. Mon premier disque à moi est Imagine que ma mère m’offre à ma fête de 12 ans en juillet. Depuis plusieurs mois, je joue sur la basse de mon frère, une vieille Fender 1965 (qui n’a en fait que 16 ans en 1981). J’apprends l’instruments avec pour guide John Deacon de Queen. Je découvre les Moody Blues. Je suis une éponge qui absorbe tout. John jouait de la guitare et du piano alors je m’y mets aussi.
Adulte, je découvre la réalité, que John avait une innocence et une certaine naïveté. Je suis à la croisée des chemins : rester comme lui ou devenir grand. Je regarde mon compte de banque aujourd’hui et mon choix était clair! Je suis resté adolescent, préférant des utopies qui font du sens à la fatalité cartésienne parce que je sais qu’un jour, le vent peut tourner, que des fois, on gagne à la loterie, on score en prolongation, le mur de Berlin s’effondre…
John me l’a bien rendu. En 2010, après une première tournée en Angleterre, un promoteur m’offre d’être l’artiste canadien pour les shows soulignant les 70 ans du chanteur. Je joue trois pièces : Instant Karma, Revolution et Watching The Wheels. Je le personnifie à ma façon. Ce sont des moments inoubliables qui m’ont en plus donné de nombreux amis dont Alan Clayson, le plus important biographe des Beatles qui raconte dans son livre L’évangile selon John Lennon, les derniers moments du chanteurs. L’ambulance n’arrivant pas, c’est une voiture de police qui transporte le chanteur criblé de balles à l’hôpital. Regardant sur la banquette arrière, le second policier dit : Mais… vous êtes John Lennon? Ce à quoi le chanteur répondit un: Yeah… Ce furent ses dernières paroles.
Je suis une galaxie dans le Big Bang du départ de John Lennon. Je ne suis pas un fan fini. À hauteur d’homme il était loin de la perfection. Mais ses combats, sa musique qui vient nous chercher, son amour reconstruit sur d’innombrables blessures d’abandon, c’était profondément parfait car profondément humain. Nous sommes nombreux être faits de ce bois.
Peace & LOVE !
Merci!